Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Citylight
11 mars 2012

La faute à Voltaire

La faute à Voltaire - Abdellatif Kechiche - 2000 -  France - Avec Élodie Bouchez, Sami Bouajila, Aure Atika, Bruno Lochet, Virginie Darmon

Le premier long métrage de Kechiche, réalisateur de l'excellentissime La graine et le mulet (2007). Le film se déroule dans un Paris d'exclus, loin d'une France des droits de l'homme, des "liberté-égalité-fraternité" et qui se clôt par un générique nous montrant sa face cachée. Entre le devant officiel d'une France terre de libertés et la face cachée, d'une France terre d'exclusion, le passage d'un sans papier tunisien. Exactement comme le film de Pialat L'amour existe où la fin signale "un simple changement d'angle", quant à la sculpture La Marseillaise (voir ICI la deuxième partie du film, en entier sur YT)). Ou la démysthification (tiens, tiens c'est pas Wajda aussi qui à travers son film Danton opère ce changement de vue?). Le sujet dégage une portée sociale critique, à travers le parcours chaotique de Jallel, immigré clandestin,  rencontrant divers individus marginalisés ou paumés, en tête des SDF. Tel le titre l'indique, ça se finit mal pour Jallel au pays des droits de l'homme, qui finit par l'expulser le plus simplement du monde par charter, au grand jour, suite à un contrôle de papiers routinier. Au premier abord on serait tenté s''attendre un film à forte critique sociale se prêtant au cadre social dans lequel il se développe, mais il faut reconnaître que Kechiche ici ne donne pas dans la charge sociale à tout prix.

Bien entendu il est question d'exclusion, d'inégalité, de mal être social. Le parcours de Jallel démontre les difficultés et obstacles que réserve la France aux immigrés, et à ses compagnons de galère. Mais cela reste finalement assez timide, exception faite de la dureté de la séquence finale, aussi brève que violente par le couperet de l'expulsion, si "banale" et expéditrice.

Beaucoup de naïveté ou d'enjolivement de la réalité de l'exclusion telle qu'elle est vécue dans le concret: solidarité, chaleur humaine entre compagnons de misère qui est belle à voir mais tellement éloignées du réel ! La réalité est plus morne et on a dû mal à y croire.

Mais considérer ce film sous l'angle du vérisme social serait passer à travers et en sortir déçus, même si encore une fois un cadre social et certaines réalités sont prégnants. Un des intérêts majeurs de ce film, et pour lequel la mise en scène de Kechiche est très porteuse, notamment à travers ses cadrages serrés, ses scènes étalées - annonçant quelque part ses quelques fameux plans séquences de L'esquive (2004) et de La grain et le mulet - est une certaine humanité résistante des exclus à travers l'entraide et l'existence du rire, le bonheur relationnel aussi malgré le pesant social et l'insécurité permanente qui rend tout éphémère (Jallel a tôt dans le film un appel à quitter le territoire et les quelques présences policières par ci par là attestent de son expulsion envisageable à tout moment). On peut parler de romantisme ou de rendu émotionnel excessifs, mais il faut avouer que l'on prend goût à aimer et à ressentir les personnages du film comme empreints d'une humanité qui se démarque de l'anonymat collectif inséré dans la société. La séquence de fête du foyer -(type de séquence finale qui prendra plus d'importance dans les films suivants, où toute la tension et les enjeux se déchaînent sur un long laps de temps)- en fin de film est à cet égard superbe, une véritable joie d'être ensemble est palpable; il y a des tensions, des comportements pour le moins particuliers, mais c'est cette faculté de coexister et du rire ensemble, dans une galère similaire marquée du sceau de l'exclusion ou du mal être, qui l'emporte. Et bonheur de l'être ensemble qui sera finalement sanctionné par l'expulsion de Jallel...Une absence forcée finalement qui clôt ce film, une expéditive mission républicaine déshumanisante, au contraire de nos personnages exclus et paumés. C'est sans aucun doute le regard porté sur ses personnages et la mise en scène qui font de ce film un bon premier essai, même si on en est quelque peu distant de la férocité du réel et de ses impacts sur le comportement individuel. Le personnage de Laure Atiqua est plus dur sur cette dimension de souffrance individuelle, mais elle s'éclipse trop rapidement du film. Kechiche mettra davantage à profit son style dans les films qui suivront pour un social plus accrocheur, moins connoté d'enjolivements du réel, mais sans perdre cette faculté de cerner ses personnages face aux violences sociales.

 



Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité