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Citylight
11 mars 2012

Canine

Canine - Yorgos Lanthimos - Grèce - 2009 - Avec Christos Stergioglou, Michele Valley, Aggeliki Papoulia, Christos Passalis, Mary Tsoni


"Mais où suis-je ? C'est quoi ce truc ?" - Voilà un peu mes réactions devant les premières minutes de ce film original, décalé, absurde, comique, tragique, inquiétant, sordide, naïf, monstrueux...Un film qui ne peut laisser indifférent et qui suscite diverses réactions possibles devant un univers très particulier, étrangement rendu par la qualité de la mise en scène et le jeu des acteurs.

L'univers du film se déroule pour l'essentiel dans une maison familiale, à l'écart de la ville, dont 3 enfants ayant atteint la vingtaine d'années ne sont jamais sortis depuis leur naissance. Les parents leur refusent tout contact avec le monde extérieur (pas de sortie, pas de télé, pas de téléphone,...) et les ont éduqué à leur manière. La seule visite extérieure est celle d'une employée de l'usine au père, afin de satisfaire les nécessités sexuelles de l'aîné. La venue d'un élément extérieur va dérégler ce petit monde...

 L'univers de cette cellule familiale cloisonnante est à double tranchant: à la fois "protecteur" et malsain.  Les enfants ne semblent pas subir dans un premier temps l'enfermement et jouissent d'une certaine naïveté dans leur manière d'être. C'est ainsi que les quelques scènes sexuelles par exemple qui parsèment le film - dérangeantes et immorales pour le monde extérieur - sont ici vécues par les personnages de manière innocente et nullement malsaine. Le vocabulaire des enfants dénote également une mise à l'écart des choses qui fâchent, de tout ce qui pourrait nuire à leur cocon gentillet à l'abri du mal et du politiquement incorrect ; ainsi l'explication du terme zombie comme étant "une fleur jaune"...Le film pullule de définitions de ce genre.

Mais cet univers dégage surtout une absurdité de l'éducation parentale, souvent ignoble et contraire à la liberté, cela va de soi. Cette éducation parentale sclérosée donne lieu à des scènes inouïes, tout est bon pour garder la progéniture entre les murs et lui donner une vie réglementée par diverses occupations strictement établies. Les explications du danger extérieur - le chat ennemi mortel et pour lequel le père élève ses enfants à faire le chien ! -, les mécanismes d'entretien du corps (récompenses par le biais d'images), l'inceste provoqué comme réponse au danger amenée par l'employée de l'usine afin de ne pas occulter le besoin sexuel de l'aîné, ...tout est ordonné et concours à nous laisser tantôt bouche bée, tantôt souriant (jaune il est vrai parfois), tantôt révolté...Les parents exercent un véritable diktat sur les enfants, les infantilisent en permanence et se montrent réellement monstrueux. Les stratagèmes de maintien de leur ordre et conception du monde (l'extérieur c'est le danger, l'étranger est menaçant, ...) fondent la complicité monstrueuse mari-époux. Le titre "canine" vient du fait que le père explique aux enfants que la chute du canine signifie la maturité pour sortir de la maison et affronter le danger extérieur. Seulement pour sortir il faut savoir conduire, et la conduite n'est possible que quand la canine repousse...On l'a compris, c'est une prison familiale dont les enfants ne sortiront jamais, définitivement construits sans le monde extérieur. A noter que la personne extérieure cause en partie le dérèglement de ce monde et Théorème de Pasolini n'est pas loin. D'ailleurs, tout comme chez Pasolini, la sexualité est une forme de résistance pour les trois jeunes adultes. L'autre résistance, c'est la violence, celle-là même qui pousse l'une des jeunes femmes à exprimer son désir de sortie de cet univers; je pense notamment à la formidable séquence de fête d'anniversaire du mariage des parents: rythme guitare répétitif et aliénant, la jeune fille donne lieu à une danse risible aux gestes décalés pour progressivement laisser place à une rage intérieure à la limite de l'explosion...La mère est là pour réprimer la violence qui sommeille difficilement contenue. La violence chez les parents est systématiquement réprimée qui voient en elle un élément déstabilisant mettant en péril l'univers familial. La seule violence autorisée, est celle imaginée et simulée aux enfants quand elle est censée représentée le danger du dehors.

Un mystère captivant ce film, et j'avoue que dans la foulée de la projection je ne savais plus trop quoi en penser, si ce n'est que l'univers feutré et aliénant dans l'absurde et l'emprise parentale sur les enfants par le biais de l'éducation révèlent un monde adulte manipulateur et nuisible à l'émancipation de l'enfant quand ce dernier n'en est pas protégé, soumis à son autorité. Dans ce film cette mainmise parentale atteint des sommets de monstruosité, d'absurde, de perversité.

Le réalisateur nous offre un film vraiment original, enchaînant de mémorables saynètes. Peu courant de voir de tels ovnis et c'est toujours appréciable d'en faire la découverte !! A voir absolument !

 



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