Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Citylight
28 février 2012

Jean-Pierre Mocky - Le piège à cons

Le piège à cons - Mocky (extrait ici : Extrait ici :http://vod.canalplay.com/cinema/le-piege-a-cons,297,402,7871.aspx)

 Piège à cons, un excellent Mocky encore, qui se fait 10 ans après Solo. Beaucoup de parallèles avec ce brûlot de rage étouffée, constat désabusé ici d'une défaite révolutionnaire, ou tout au moins d'une révolte sociale qui a cédé pour laisser place à une société dont le tableau est encore une fois très pessimiste. Impuissance des utopies révolutionnaires d'une minorité qui se veut activiste, confrontées à plus fort que soi, à une classe dirigeante pourrie et à une certaine classe moyenne qui prend le dessus. Adaptation générale, ou contestation mineure, éparpillée et réduite au slogan "35heures pour tous, travailler moins et vivre autrement"; l'heure n'est plus à la transformation sociale, ou alors elle sonne comme un bruit de fond sans conséquence majeure. On y croit plus...ou si peu. "Le piège à cons" serait d'y croire et de s'engager dans un engrenage groupusculaire d'action directe (à défaut de mieux) auto destructeur s'apparentant à un suicide pour la cause perdue.  Le climat de la France Giscardienne est très bien rendu par Mocky, et c'est tout de même dingue que l'on puisse réduire de tels films à du cinéma baclé anarchisant sympathique. Présence de l'appareil d'Etat répressif bien ressentie avec toujours l'usage des CRS et la flicaille assassine ou infiltrée (formidable plan d'un flic assassin avec le panneau géant en arrière plan: "Ministère intérieur, protection civile"); classes dirigeantes corrompues et aux mains libres profitant d'une justice de classe sans failles pour leur survie et autorisant toutes les ignominies possibles, classe moyenne absorbée par les aliénations du "bien être" de la société de consommation (le flic au sifflet stoppé par un petit groupe de fadas de foot le prenant pour un arbitre, hilarant!), chômage du contexte social de la réalisation du film, contestation collective sans portée (le slogan "35 heures, pas de chômeurs" raisonne dans le film, sans foule,sans concret, comme s'il s'agissait là d'un vague bruit étouffé, anecdotique); soixante-huitards qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes ("barricades il y a 10 ans, pétitions aujourd'hui, dans 10 ans vous allez faire quoi? Chanter Ave Maria?"); velléités d'une classe ouvrière qui garde son rejet de la police (excellent réflexe de tabassage de policiers entrés sur un lieu de travail) malgré le renoncement à œuvrer pour un changement des conditions de travail (le délégué syndical paraît bien impuissant dans cette fin de décennie! Conséquence d'une lutte passée trahie par la bureaucratie syndicale?)...

 

Mocky joue là encore le rôle du grand frère lucide, à tendance anar individualiste, ancien professeur révolutionnaire de 68, exilé en Indonésie après avoir été viré. Il revient en France pour modérer les conséquences persistantes de ses appels révolutionnaires de l'époque sur un de ses élèves, qui se fait tuer avant qu'il puisse le voir. Il met néanmoins les pieds dans l'engrenage d'une révolte inespérée, certes qui a toutes les raisons d'être, mais dont les moyens sont perdus d'avance et la volonté rageuse comme fatalement, 10 ans après Solo, étouffée et réprimée. Petit noyau d'activistes qui au pire finira avec "3 lignes dans les faits divers" ou au mieux croupissant 20 ans en prison, marge qui les dissocie des élites dirigeantes jouissant de la justice de classe. Chasse à l'homme qui s'ensuit, et mort au bout. Le pouvoir finit vainqueur, bien que tout de même mal mené, et on ne peut qu'en jouir, le personnage de Mocky en prend lui même goût, et "le piège à cons en vaut le coup".

 

Dialogues comme toujours excellents (à propos de la classe moyenne: "ils n'aiment que la bouffe et les combines, pas eux qui auraient pris la bastille - ils commencent à marcher à 4 pattes, ensuite se redressent, et vivent à plat ventre"), scènes farcesques qui ridiculisent le pouvoir - qu'on aimerait tant être dans la réalité! - , rendu d'une époque (lieux de résistance sur certains lieux de travail, résistance collective dérisoire, à travers manifs plan-plan sans conséquence ou pétitions des "anciens" de 68 ou lieux pacifiques d'autogestion certes plaisante mais si loin d'une transformation sociale,...), critique de la mécanisation des mœurs autant manifestée par la soi disante émancipation libertaire purement formelle que par l'imposition officielle des bonnes mœurs.

 

"Je ne crois plus en l'homme (...) Mai 68 c'est fini depuis le jour où les pompes à essence ont réouvert": désenchantement du révolutionnaire d'antan, qui en a marre "de se sentir seul, j'en suis guéri". Défaite collective de 68, impuissance du temps de Solo d'où crapulerie, répression, bêtise, injustice,...sont intactes et au contraire renforcées. J'aime beaucoup la révolte apparaissant comme nécessaire dans ces films de Mocky rageur, l'état d'esprit est on ne peut plus mis en avant, mais toujours ce recul lucide sur une époque qui écrase tout. A la fois contestataires et pessimistes. Le duo idéaliste rêveuse qui veut changer les choses / Mocky qui n'y croit plus et abandonne plutôt la partie fonctionne très bien dans le film, à tel point que le personnage de Mocky retrouve une certaine ardeur à taper dans la fourmilière...L'esprit de révolte n'est jamais tout à fait éteint, et une étincelle peut toujours le réanimer.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité